À partir du 1er mai, une interdiction formelle de mendier sera mise en place dans une trentaine de rues à Amiens, une annonce qui a suscité une vaste controverse. Cette mesure, annoncée par la maire UDI Brigitte Fouré, vise à répondre à plusieurs problématiques, notamment les troubles à l’ordre public et les plaintes régulières des commerçants. Cette décision, qui limite la mendicité de 8h à 20h, s’inscrit dans une volonté de garantir la sécurité et la libre circulation des citoyens. Toutefois, elle a rencontré une forte opposition dès sa conception, marquée par l’intervention de diverses associations et collectifs.
Les motivations derrière la mesure
La justification principale de cette régulation, selon les termes de l’arrêté, réside dans la nécessité de lutte contre les désagréments causés par un phénomène de mendicité statique et continu au cœur de la ville et ses abords commerciaux. De fait, cette initiative se veut être une réponse aux multiples sollicitations des acteurs économiques locaux ainsi qu’aux interventions répétées des forces de l’ordre visant à rétablir l’ordre public perturbé. La municipalité d’Amiens espère, à travers cette restriction, ofrir aux habitants et aux visiteurs de l’hyper-centre une expérience plus sereine et sécurisée.
Une décision sous le feu des critiques
Malgré les intentions annoncées par la mairie, l’interdiction de mendicité ne bénéficie pas d’une approbation générale. Déjà contestée dès le début du mois d’avril, elle soulève l’inquiétude des associations de solidarité et de défense des droits de l’Homme. Parmi les voix discordantes figurent Les maraudes citoyennes amiénoises, la Coordination des intermittent.e.s et précaires de Picardie, et le Réseau éducation sans frontières (RESF), qui voient dans cet arrêté une mesure bannissant les plus démunis de l’espace urbain sans adresser les racines du problème de la pauvreté. Sibylle Luperce de RESF soulève d’ailleurs des questions quant aux véritables motivations derrière cet arrêt, laissant sous-entendre une possible intention de « nettoyer » le centre-ville en prévision d’événements d’envergure comme les Jeux Olympiques.
L’association Maraudes Citoyennes Amiénoises critique sévèrement cette initiative, qu’elle considère comme une démarche inhumaine réduisant les personnes sans abri à des éléments perturbateurs nuisant à l’attractivité commerciale. La Ligue des droits de l’Homme, préoccupée par les implications de cette décision, a même annoncé son intention de porter l’affaire en justice, arguant que les problématiques de sécurité invoquées ne sont pas directement liées à la mendicité.
La mendicité : une question de sécurité ou sociale ?
La mise en place de cet arrêté soulève une question fondamentale : la gestion de la mendicité est-elle avant tout un enjeu de sécurité ou reflète-t-elle une problématique sociale plus profonde ? À cet égard, les critiques de l’arrêté mettent en avant la nécessité de lutter contre la pauvreté plutôt que de masquer ses manifestations dans l’espace public. Cette controverse met en lumière la tension entre des approches sécuritaires et des démarches axées sur l’aide et l’inclusion sociale pour adresser les problèmes de précarité et d’exclusion.
Dans un contexte où les minima sociaux représentent un défi économique et social important, comme le souligne le site CRDP-Lyon, la question de la mendicité devient symptomatique des choix de société en matière de gestion de la pauvreté. Elle interpelle à la fois sur les valeurs de solidarité et sur les stratégies urbaines visant à offrir un visage accueillant et « propre » des centres-villes, parfois au détriment des réalités sociales.
Enjeux futurs et réconciliation des perspectives
L’application de l’arrêté d’Amiens ouvrira sans doute un nouveau chapitre dans le débat sur la gestion urbaine de la pauvreté et de la mendicité. L’opposition entre la nécessité de maintenir l’ordre public et celle d’offrir une assistance réelle aux personnes en situation de précarité exige une réflexion approfondie et une volonté de réconciliation des intérêts divergents. La ville d’Amiens, sous le feu des critiques, pourrait constituer un précédent important, invitant d’autres municipalités à considérer des approches plus intégrées et humanistes dans le traitement de ces questions.
Au cœur de ces discussions, l’équilibre entre sécurité, attractivité commerciale et solidarité sociale sera crucial. La participation active des acteurs sociaux, des associations et de la municipalité dans un dialogue constructif pourrait ouvrir la voie à des solutions innovantes, alliant prévention, aide et inclusion pour adresser tant les symptômes que les causes profondes de la mendicité et de la pauvreté en milieu urbain.